Le feu du Phare de Cap-des-Rosiers est situé à une hauteur de 41,5 mètres (136 pieds) au-dessus de la ligne des hautes marées. Sa portée est estimée en moyenne à 25,75 kilomètres (16 miles) par temps clair.

Un feu de phare consiste en un appareil optique et une source de lumière.

L’appareil optique du Phare de Cap-des-Rosiers est une grosse lentille française en verre poli, de premier ordre qui permet la réfraction de la lumière provenant des brûleurs placés en son foyer dans une direction bien déterminée et dont les éléments ne nécessitent plus d'ajustement, une fois l'enchâssement réalisé dans leur monture. La distance focale de la lentille est de 36 ¼ pouces. Cet appareil dioptrique permet de produire une lumière cinq fois plus puissante qu’un appareil catoptrique (réflecteurs) avec la même source; la lumière est de plus grande qualité et sa portée est meilleure. Ce genre de lentille a été mis au point pour la première fois au monde en 1823 au phare de Cordouan (France) par Augustin Fresnel.

LE PRISME DANS LA COUPOLE

Le verre employé pour la lentille du phare de Cap-des-Rosiers est d’excellente qualité.

La composition du verre, dit de Saint-Gobain, employé seulement en France pour la construction des optiques, est la suivante :

Silice                                                               72,1 %

Soude                                                             12,2 %

Chaux                                                            15,7 %

Aluminium et oxyde de fer      traces                 100 %

Le verre de Saint-Gobain, dur et bien transparent, est inattaquable à l’air, grâce à sa forte teneur en silice et en chaux. C’est sans doute la raison pour laquelle le feu continue d’utiliser la lentille d’origine.

C’est l'établissement de Lepaute et Sautter, de la rue Montaigne, à Paris qui manufactura la lentille de premier ordre et la coupole de fer coulé du phare de Cap-des-Rosiers. Cette firme détenait à l'époque de l'achat de la lentille (en 1857-1858) la presque totalité de l'exclusivité des appareils lenticulaires issus de l'invention de Fresnel.

D’après l'inspecteur des phares de l'agence de Québec, Georges D. O'Farrell, la lanterne (coupole, appareil lumineux et lentille) aurait coûté 20 000 $.

La source de lumière, quant à elle, a changé plusieurs fois au cours des années.

De 1858 à 1869, le feu est équipé probablement d’un ou de plusieurs petits brûleurs à mèche placés au centre de la lentille, basé sur le principe de la lampe d'Argand mise au point en 1780 par le Genevois Aimé Argand.

La lumière de couleur blanche est fixe. Ces brûleurs étaient alimentés à l'huile de baleine ou de marsouin.

En 1869, on installe cinq gros brûleurs mammouths, à mèche plate, conçus pour utiliser de l'huile de pétrole blanc raffiné qui resteront en service jusqu’en 1903. La raison de ce changement est que l’huile de baleine ou de marsouin est fort chère : de 12,20 $ à 12,50 $ le gallon (4,5 litres) en 1868 comparativement à l'huile de pétrole (0,40 $ le gallon en 1869). Dès le début, on réalise des économies de près de 600 %, économies encore plus importantes les années ultérieures, à cause de la baisse des prix de l'huile de pétrole. De plus, cette huile d'excellente qualité pouvait donner pendant de nombreuses heures une flamme brillante et uniforme, qui n'obscurcissait pas le verre et la cheminée du brûleur et ne formait pas de croûte sur la mèche. Diverses compagnies ontariennes telles que L.D Vincent, F.A. Fitzgerald et Imperial Oil fournissaient cette huile de pétrole. Les cinq brûleurs du phare de Cap-des-Rosiers en consommaient environ 220 gallons (990 litres approx.) par saison de navigation, pour un coût moyen de 22 cents le gallon (4,5 l) pendant les années 1870. Durant cette période le feu reste fixe.

Le 23 mai 1903, la lumière du phare de Cap-des-Rosiers passe officiellement de blanc fixe à blanc par occultations (éclat de 15 s, éclipse de 5 s, en alternance).Ce changement est dû à un écran mécanique intermittent, fourni par la firme britannique Chance Brothers. On procède en même temps au remplacement des brûleurs traditionnels par un seul gros brûleur à vapeur de pétrole à manchon incandescent. Ce type de brûleur, une invention française dont la première installation fut réalisée au phare de l’île Penfret (France) en 1898, fonctionne sur un principe peu complexe : la vapeur de pétrole, compressée au préalable dans un réservoir spécialement destiné à cette fin, entre tout simplement en combustion au niveau du manchon, produisant ainsi la lumière. Ce type de brûleur produit une lumière dont l’intensité est de 3,4 fois plus puissante, en proportion de l’huile consommée. Cette lumière est également beaucoup plus blanche. Le phare de Cap-des-Rosiers fut l’un des premiers phares au Canada, sinon le premier, à être équipé d'un dispositif de cette sorte.

C’est aussi l’établissement Chance Brothers de Birmingham qui fournit le brûleur à vapeur de pétrole à manchon incandescent et ses accessoires. Le tout coûta, incluant les frais de transport, mais non les frais d'installation, 836,05 $. Il est probable que ce montant ait aussi compris un brûleur de rechange.

Ces importantes modifications furent bien reçues par les navigateurs. Ces derniers priaient depuis bien longtemps les autorités de modifier les caractéristiques de la lumière et de la rendre plus puissante. Citons seulement, pour exemple, la requête du capitaine Goulet du S.S Thornholme de La Black Diamond Line, qui désirait un feu plus puissant et à éclats Cap-des-Rosiers. Elle date du 6 août 1891!

Vu de loin, un feu pouvait être confondu avec une étoile ou pris pour un feu de mat de bateau, et ne facilitait pas du tout la distinction entre les phares entre eux. Pour la sécurité et l'efficacité de la navigation, il était donc nécessaire de reconnaître rapidement la lueur des phares parmi d'autres lumières, principalement afin de prendre le bon cap et éviter les retards et les accidents. N'oublions pas que la plupart des utilisateurs du phare de Cap-des-Rosiers étaient des capitaines européens, plus ou moins habitués à naviguer dans ce secteur du golfe du St-Laurent.

En 1922, installation d'un brûleur à vapeur de pétrole à manchon incandescent de 55 mm. Fabriqué au dépôt des phares de Prescott, en Ontario, il est copié sur le premier modèle canadien de brûleur à vapeur de pétrole préalablement manufacturé par la firme montréalaise « Diamond Heathing and Lightning Corporation ».

En 1950 a lieu l’électrification de la station du phare de Cap-des-Rosiers. Le brûleur existant est remplacé par une grosse lampe électrique à incandescence (ampoule à filament) en verre dépoli à l’intérieur. Sa puissance est de 1000 watts. Le brûleur à vapeur de pétrole n’est pas complètement abandonné, car il servira pendant les pannes d'alimentation de secteur.

En août 1970, une lampe électrique à vapeur de mercure de 400 watts succède à la lampe à incandescence ordinaire installée en 1950. Son usage date de 1964. La lumière qu'elle fournit est de plus grande intensité et sa durée de vie est beaucoup plus longue ; atteignant quelques milliers d'heures. Le seul désagrément de cette lampe est le fait que, dans certaines conditions atmosphériques, elle peut prendre un ton verdâtre, d'où le danger pour un navigateur non averti de se méprendre de phare.

Cette lampe est toujours en fonction.

Les différentes sources de lumière au cours des ans

Nom de l'appareil

Années d'utilisation

I brûleur à mèche à l'huile de baleine ou de marsouin

1858 à 1869

5 brûleurs à l'huile de pétrole blanc raffiné

1869 à 1903

Passage du blanc fixe au blanc par occultation

1903

1 brûleur à vapeur de pétrole à manchon incandescent

1903 à 1922

1 brûleur à vapeur de pétrole à manchon incandescent 55 mm (plus gros)

1922 à 1950

1 ampoule 1000 watts ordinaire

1950 à 1970

1 ampoule de 400 watts à vapeur de mercure

1970 à aujourd'hui et toujours en fonction

 

UA-66743709-1