Les histoires de phare commencent toutes par des naufrages. Le phare du Cap-des-Rosiers n’y échappe pas. Entre 1809 et 1852, parmi les milliers de naufrages[i] qui ont eu lieu dans le Golfe et le fleuve, une cinquantaine au moins se sont produits entre La Malbaie et Rivière-au-Renard, dont 19 au Cap-des-Rosiers, ou à quelques miles. C’était plus la plupart de navires marchands, barques, bricks ou goélettes, mais le naufrage qui a le plus marqué les esprits a été celui du Carricks.
Parti de Sligo en Irlande fin février ou début de mars 1847, avec en plus des membres de l'équipage, 187 immigrants irlandais chassés de leur patrie par la famine, la barque à deux mats de 87 pieds a été drossée sur les récifs au Cap des Rosiers, le matin de 28 avril 1847 par une tempête de vent du nord-est accompagnée de neige. 48 passagers seulement ont eu la vie sauve dont certains s'établirent au Cap des Rosiers. 87 d’entre eux rejetés par la mer ont été enterrés dans une fosse commune sur le Banc du Cap des Rosiers. Un monument en leur mémoire a été érigé à Cap-des-Rosiers en 1900 par la fabrique de la paroisse St-Patrick de Montréal. À côté du monument se trouve la cloche du Carriks retrouvée le 24 septembre 1968 par M. Alphonse Ruest sur la Côte-Nord, sur la grève de Blanc-Sablon.
La construction du phare
C’est sans doute ce naufrage, mais aussi les pressions des armateurs, qui ont entraîné la décision de construire un phare au Cap-des-Rosiers. Elle date de 1851 et le montant des travaux de construction était estimé à l’époque à 6000 livres sterling en argent.
Entre 1853 et 1858, l’entrepreneur Charles François-Xavier Baby construit le phare du Cap-des-Rosiers selon les plans de John Page, ingénieur en chef au ministère des Travaux publics du Canada-Uni.
Il semble qu’en 1856 la tour du phare était terminée. Dudley Witney mentionne que « La construction a été lente et difficile. Les chevaux et l’équipement ont été apportés par voie maritime, car les routes sont dangereuses et impraticables en hiver. Lorsque John Page est venu en faire l’inspection en 1856, il félicita chaudement les entrepreneurs : les travaux avaient été bien plus chers et complexes que ce qu’on aurait pu anticiper » (traduction).
Si la tour du phare était presque terminée en 1856, l’installation de la lanterne et des appareils d'optique et d'éclairage a eu lieu cette année-là ou l'année suivante. Quoi qu'il en soit, le feu du phare fut allumé officiellement, pour la première fois, le 15 mars 1858 au début de la saison de navigation.
La construction du phare et des autres bâtiments (dont une poudrière et une vaste résidence, annexée au phare, servant d'habitation pour le gardien) a finalement coûté une somme de 75 986,70 $, à laquelle il faut ajouter les autres frais, soit ceux des études préliminaires, ceux du transport des matériaux, des provisions et des hommes par vaisseau, ceux de l'ingénierie, de l'appareillage de vision et de la lanterne, etc., dont le montant approximatif était de 38 000 $.
[i] Navigating the Lower Saint Lawrence in the 19th Century, Gilbert Bossé, http://maritimehistory.comli.com/